Les inventeurs

Où l'on découvre deux Québécois ayant plusieurs flèches dans leur carquois.

 

 

Adrien Payette raconte les débuts

 

Septembre 2006, Adrien Payette est interviewé par les fondateurs de l'Afcodev à Paris.

 

 

Interviewers : Adrien, veux-tu nous raconter la genèse du Codéveloppement Professionnel ?

AP : Origines lointaines et indirectes. Pour faire de la psychanalyse facile en jouant sur les mots, on pourrait dire que le groupe de Codéveloppement, étant un groupe de pairs, vient du fait que je n’ai pas eu de père, puisqu’il est décédé avant ma naissance, et que j’ai été longtemps préoccupé par le père, les pères et les pairs ! Mais ce jeu de mots renvoie quand même au fait que le codéveloppement s’inscrit dans une relation à l’autorité différente de l’enseignement traditionnel, dit magistral. En effet, les savoirs pratiques ne peuvent pas venir seulement des savoirs officiels (homologués selon le professeur Y. St-Arnaud). Les praticiens apprennent évidemment de leur propre pratique, de leurs expériences. Mais ils apprennent aussi beaucoup de leurs pairs, plus ou moins expérimentés, mais nécessairement détenteurs de savoirs différents et divergents.

 

Une autre racine lointaine : très jeune, les circonstances ont fait que j’ai été fortement marqué par l’écart entre le discours et l’action. Ce thème deviendra majeur dans les réflexions du jeune philosophe que je suis devenu par la suite (de 18 à 28 ans) et, plus tard, il s’articulera dans la vision explicite qui fonde le codéveloppement et à laquelle ont contribué les travaux de trois auteurs majeurs : Schön, Revans et St-Arnaud. En parlant de philosophie, un souvenir intéressant me revient : entre 1965 et 1968, j’ai fait partie d’un groupe de quatre jeunes profs de philo qui se réunissaient une fois par mois pour s’entraider dans leur enseignement. Déjà un groupe de codéveloppement !?! Je devrais peut-être aussi faire référence à mes expériences de « dynamique de groupe », mouvement qui s’est développé au Québec autour des années’65 et qui a hélas dérivé vers la thérapie de groupe et vers toutes sortes d’expériences farfelues qui ont « tué » cette pédagogie très forte. Encore prof de philo à l’époque, j’ai été bouleversé par la puissance formatrice du petit groupe : une sorte de champ magnétique, d’organisme même dans lequel on est immergé et où on est bombardé en continu par une très grande quantité et variété d’informations. Les différences entre les personnes, les multiples relations qui se développent, les changements continuels de perspectives, de grilles de perception et d’interprétation, le choc des valeurs, des intérêts, des goûts et une multitude d’autres phénomènes provoquent toutes sortes d’apprentissages. Plus les participants sont sensibles à cette richesse, plus ils peuvent apprendre. J’ai toujours cru à la puissance du petit groupe pour penser, pour découvrir, pour apprendre.

 

Origines directes. L’origine claire et explicite du codéveloppement remonte aux années 1969-71 lors de mes études de MBA à HEC-Montréal. J’avais...